Une simple série d’images et quelques électrodes pourraient bientôt transformer la façon dont on repère les premiers troubles de la mémoire. Alors que la maladie progresse longtemps en silence, les premiers signes restent souvent invisibles pour les proches comme pour les médecins. Un nouveau test cérébral, rapide et non invasif, promet pourtant de détecter l’Alzheimer à un stade très précoce. Cela lorsque les neurones commencent à vaciller, mais que la vie quotidienne semble encore normale.
Pourquoi le dépistage très précoce change la donne
Pendant dix à vingt ans, la maladie d’Alzheimer se développe dans l’ombre, bien avant les oublis flagrants. Les zones du cerveau liées à la mémoire se dégradent lentement, sans symptôme évident pour la personne concernée. Quand les troubles du langage, de l’orientation ou du raisonnement deviennent visibles, une grande partie des neurones atteints est déjà perdue.
Ce diagnostic tardif limite l’efficacité des traitements actuels et des molécules en développement. Des anticorps comme le donanemab ou le lecanemab paraissent agir, surtout lorsque la maladie en est encore à ses débuts. Pour qu’ils aient un réel impact sur la vie des patients, il faut donc repérer les signaux de déclin cognitif bien avant la phase de démence installée.
Les chercheurs cherchent ainsi des outils simples, capables d’identifier les personnes à risque avant les troubles lourds. L’enjeu est médical, mais aussi humain et économique, dans un contexte où la démence touche des dizaines de millions de personnes dans le monde. Un test accessible pourrait aider les systèmes de santé à cibler mieux les bilans approfondis et les traitements innovants.
Comment le test Fastball décèle précocement l’Alzheimer
Le test Fastball a été développé par une équipe de neuroscientifiques de l’université de Bath, au Royaume-Uni. Il repose sur un électroencéphalogramme, ou EEG, qui enregistre l’activité électrique du cerveau pendant que la personne regarde un flux d’images sur un écran. Le participant n’a rien à faire, hormis regarder les images défiler calmement.
Le protocole est très simple : huit images de base sont présentées une première fois. Puis, réapparaissent ensuite, mélangées à des centaines d’images nouvelles. L’EEG mesure la capacité du cerveau à reconnaître automatiquement les images déjà vues sans demander de réponse verbale ou gestuelle. Cette reconnaissance implicite reflète le bon fonctionnement des circuits de la mémoire.
Lors de l’essai clinique, Fastball a été testé auprès de 54 adultes en bonne santé et 52 personnes souffrant de troubles cognitifs légers. Les chercheurs ont observé des réponses cérébrales nettement réduites chez les participants présentant un trouble cognitif léger de type amnésique, forme la plus susceptible d’évoluer vers l’Alzheimer.
Un examen indolore, réalisable même à domicile
Contrairement à certaines explorations cérébrales lourdes, Fastball est totalement indolore et non invasif. L’examen ressemble à une session de jeu très calme : on pose un bonnet d’électrodes sur la tête, on lance la séquence d’images, puis on laisse l’algorithme analyser les signaux. La séance dure seulement quelques minutes, ce qui la rend compatible avec des consultations très chargées.
Un atout majeur du dispositif tient à sa passivité. Le patient n’a pas besoin de comprendre des consignes complexes, de parler, ni même de cliquer sur un bouton. L’examen repose uniquement sur l’activité spontanée du cerveau face aux images. Cette approche limite l’influence du niveau d’éducation, du stress, ou des troubles du langage qui faussent parfois les tests neuropsychologiques classiques.
L’étude montre aussi que le test peut être réalisé au domicile des participants, avec un matériel portable. Cette possibilité ouvre la voie à des campagnes de dépistage plus larges, y compris auprès de personnes qui se déplacent difficilement ou redoutent l’hôpital. Un suivi régulier à distance devient alors envisageable. Cela avec des mesures répétées pour surveiller l’évolution des troubles de mémoire au fil du temps.
Ce que Fastball change pour les traitements d’Alzheimer
Les nouveaux traitements ciblant les dépôts amyloïdes ou d’autres mécanismes biologiques restent coûteux et parfois associés à des effets secondaires. Les prescrire à toutes les personnes âgées n’aurait ni sens clinique, ni viabilité économique. Un test comme Fastball pourrait aider à orienter ces thérapies vers les patients pour qui le bénéfice potentiel est le plus élevé.
En identifiant plus tôt les profils à risque, Fastball permettrait de proposer plus rapidement des bilans complémentaires. À savoir, imagerie cérébrale, tests cognitifs détaillés, analyses sanguines ou liquides céphalorachidiens. Ces examens restent indispensables pour confirmer un diagnostic d’Alzheimer. Mais ils seraient réservés en priorité aux personnes montrant déjà une altération subtile de la mémoire de reconnaissance.
Les chercheurs rappellent pourtant que Fastball ne remplace pas les méthodes établies. Il s’inscrirait plutôt comme un outil de tri, rapide et inclusif, capable de repérer des signaux faibles avant que la maladie ne bouleverse le quotidien. Dans un contexte où plus de 130 médicaments sont en phase avancée d’essais cliniques, mieux cibler les participants devient stratégique.
Vers un dépistage plus juste, accessible et humain
Ce test cérébral ne représente pas une solution miracle, mais il trace une nouvelle voie prometteuse. En mesurant de façon objective les premières failles de la mémoire, Fastball pourrait aider à repérer plus tôt les personnes fragiles. Cela afin de leur proposer un accompagnement adapté, médical, psychologique et social. À l’échelle de systèmes de santé saturés, cette approche faciliterait aussi l’orientation vers les consultations spécialisées. Si les études à long terme confirment son utilité, il deviendra peut-être un allié discret, mais précieux dans la lutte contre l’Alzheimer.