Une seule phrase peut suffire à enflammer un débat déjà fragile. Avec sa sortie récente, Michel Onfray bouscule la façon dont on pense l’effort demandé à ceux qui ont un emploi. Il oppose travail et non-travail, effort et inaction. Sa formule questionne la justice sociale, la solidarité et la place de chacun dans le partage du travail. Elle oblige aussi à regarder de près ce que recouvrent vraiment ces fameux « 6 millions » de personnes inactives.
Une formule de Michel Onfray en plein bras de fer
Selon cnews.fr, la réforme des retraites vient d’être suspendue par l’Assemblée nationale après des semaines de tensions. Dans ce climat chargé, la voix d’un philosophe médiatique reprend de la force. Sa réaction ne porte pas sur un détail technique, mais sur le sens même de l’effort demandé à chacun.
Devant les caméras, il avance une estimation qui frappe. Selon lui, « à peu près plus de 6 millions de gens ne travaillent pas ». La formule choque, mais elle renvoie à une réalité plus nuancée. Elle sert de tremplin pour contester le discours sur le « travailler plus ».
En quelques secondes, Michel Onfray place le débat sur un terrain simple. Il vise ceux qui ont déjà un emploi et à qui l’on demande plus. Selon lui, il faudrait d’abord regarder ceux qui restent sans activité. Cette équation claire séduit, car elle donne l’impression d’une solution évidente.
Travailler plus ou mieux partager l’effort collectif
Derrière la phrase choc se cache une interrogation simple. Qui doit porter l’effort quand les comptes des retraites se tendent dans la durée ? Doit-on demander toujours plus à ceux qui cotisent déjà ? Ou bien chercher à intégrer davantage de personnes au marché du travail salarié ?
Les chiffres rappellent une autre réalité. Le pays compte près de 5,7 millions de demandeurs d’emploi inscrits, toutes catégories confondues. À cela s’ajoutent des personnes en accompagnement social, en formation ou en inactivité durable. Pour beaucoup, cette réserve de main-d’œuvre devrait être mobilisée avant d’exiger de nouveaux sacrifices aux actifs.
En filigrane, le message vise à défendre la « France qui travaille ». Une partie des actifs se sent oubliée dans les débats budgétaires et sociaux. Pour ses partisans, la tirade de Michel Onfray réhabilite ceux qui cotisent et paient des impôts. Ils voient pourtant se multiplier les réformes défavorables.
Ce que le raisonnement de Michel Onfray oublie parfois
Le succès de la formule tient à sa clarté. Pourtant, la réalité du chômage et de l’inactivité est moins simple. Parmi les « 6 millions » évoqués, on trouve des chômeurs de longue durée et des personnes en formation. D’autres sont en transition professionnelle ou suivies par un accompagnement social.
Les statistiques détaillées montrent qu’une partie des inscrits exerce déjà une activité réduite. Beaucoup alternent contrats courts et périodes creuses ou suivent un parcours d’insertion. Tout le monde ne peut pas, du jour au lendemain, occuper un emploi stable à temps plein. Chacun ne peut pas cotiser comme les autres.
Pour comprendre ces blocages, il faut regarder les obstacles concrets. Certains vivent loin des transports. D’autres n’ont pas de garde pour les enfants ou vivent avec des problèmes de santé. L’inadéquation entre offres et compétences joue un rôle. Sur ce point, le propos de Michel Onfray reste très silencieux.
Au-delà du chiffre, ce que disent vraiment les données
Les 6 millions avancés restent une approximation. Les dernières données de France Travail et de la Dares évoquent 5,7 millions de demandeurs d’emploi. Ces personnes sont inscrites en catégories A, B et C. D’autres publics sont suivis dans des catégories créées avec la loi « plein emploi ».
Ces réformes de suivi gonflent les chiffres, car elles inscrivent des personnes auparavant invisibles dans les statistiques. Jeunes sans emploi, allocataires du revenu de solidarité active et publics en grande précarité apparaissent dans les bilans. Le débat public mélange souvent ces réalités et l’idée de « ne rien faire ».
Dans ce contexte, le raccourci de Michel Onfray épouse une intuition largement partagée mais masque la complexité des indicateurs. Taux de chômage, taux d’emploi, sous-emploi et inactivité partielle ne racontent pas la même histoire. Les responsables politiques doivent composer avec ces nuances lorsqu’ils discutent de retraites et de financement social.
Comment sortir de l’opposition stérile entre actifs et inactifs
Plutôt que d’opposer ceux qui travaillent à ceux qui ne travaillent pas, d’autres pistes existent pour renforcer le système. Les économistes insistent sur l’importance de la formation, de l’accompagnement vers l’emploi et de la qualité des postes proposés. Le plein emploi demande une action coordonnée bien au-delà des retraites.
Les entreprises jouent un rôle clé. Elles peuvent adapter les postes pour les seniors et ouvrir des emplois à temps partiel choisi. Elles peuvent investir dans les compétences des jeunes. Les politiques publiques, elles, agissent sur les transports, le logement ou la garde d’enfants pour lever les freins à l’activité.
Dans ce cadre, la formule de Michel Onfray peut servir de déclencheur, à condition d’être dépassée. Elle met le doigt sur une colère réelle chez de nombreux actifs. Reste à transformer cette émotion en réflexion collective sur la manière de partager, financer et organiser le travail demain.
Ce que révèle vraiment ce débat sur travail et justice
La phrase de Michel Onfray n’épuise pas le sujet, mais elle révèle un malaise profond. Beaucoup d’actifs ont le sentiment de supporter seuls l’effort, tandis que d’autres restent à l’écart du marché du travail. Derrière les « 6 millions », la réalité est faite de situations très différentes. C’est justement cette complexité qu’il faut accepter. Ainsi, on peut construire un débat plus honnête sur les retraites, l’emploi et le partage de l’effort collectif.