Préparatrice en pharmacie depuis 27 ans, elle est licenciée pour absence de diplôme : son employeur est sanctionné pour ne pas avoir vérifié sa qualification

Chronologie heurtée et devoirs de vérification redessinent la faute grave dans l’officine après contrôle administratif inopiné

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Vingt-sept ans derrière le comptoir, et tout vacille en quelques semaines, parfois. Le contrôle d’une officine révèle une absence de diplôme, et la machine s’emballe. Licenciement, mises en cause, décisions qui se contredisent, puis un rappel net : l’employeur doit vérifier. Les juges scrutent la loyauté, la prudence et le suivi des dossiers. Au fil des audiences, une idée s’impose, simple et exigeante : la vigilance contractuelle protège tous, salariés comme patients.

Vingt-sept ans de parcours et un dossier qui dérive

En 1998, une jeune préparatrice rejoint une officine du Sud de la France, raconte emploi.lefigaro.fr. Elle porte la blouse blanche, délivre des médicaments, apprend les procédures, puis gagne la confiance des titulaires. Les journées sont denses et l’ambiance semble stable. Les dossiers suivent la vie du commerce, pourtant une zone d’ombre demeure.

Les années s’enchaînent, souvent avec des cessions et transferts. Le contrat change de société, sans rupture, jusqu’à l’arrivée de nouveaux gérants en 2015. Chaque reprise reconduit des habitudes, et personne ne fouille vraiment l’historique complet. Le temps use la mémoire, tandis que la conformité documentaire reste supposée.

Cette routine masque une fragilité, que personne ne questionne clairement. Le poste relève d’une profession encadrée, avec exigences connues. Pourtant, l’absence de diplôme n’est pas formellement établie dans le dossier accessible. La chaîne de contrôle se délite, car chacun pense que quelqu’un d’autre a vérifié.

Contrôle ARS et absence de diplôme : le tournant

Fin 2017, un inspecteur de l’ARS exige les diplômes de toute l’équipe. Impossible de produire celui de la préparatrice. Les gérants demandent une copie, d’abord oralement, puis par lettres datées des 22 décembre 2017 et 17 janvier 2018. La salariée est en arrêt maladie depuis le 11 décembre 2017.

Faute de réponse, l’employeur prononce une mise à pied conservatoire. En février 2018, il notifie un licenciement pour faute grave. Le reproche central porte sur une absence de diplôme. La lettre évoque un mensonge, un défaut de bonne foi, et un poste réglementé. Le risque de sanctions pénales est mentionné.

La salariée conteste aussitôt, et précise n’avoir rien caché. Elle rappelle avoir travaillé sous réserve d’agrément, et affirme que les anciens titulaires connaissaient la situation. Elle soutient que le repreneur n’a jamais vérifié lors du rachat. Le dossier bascule ainsi vers l’analyse des responsabilités et des contrôles internes.

Prud’hommes, appel, puis cassation : responsabilités croisées

En 2021, le conseil de prud’hommes juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur est condamné à verser plus de 34 800 euros d’indemnités. La chronologie pèse : années de travail, contrôles tardifs, et dossiers incomplets. Le débat s’oriente vers la part de responsabilité et les devoirs de vérification.

En 2023, la cour d’appel infirme intégralement le jugement. Elle retient un manquement à l’obligation de loyauté, et déboute la salariée. Les dépens sont mis à sa charge. Le message est rude : avertir l’employeur de toute contrainte, y compris une absence de diplôme, relèverait de la loyauté.

Un pourvoi suit. En 2025, la Cour de cassation renverse la décision d’appel, et rappelle une règle ferme. L’employeur ne peut se prévaloir de sa propre négligence pour fonder une faute grave. Il est condamné à payer 3 000 euros de frais de procédure, et l’affaire est renvoyée.

Quand l’absence de diplôme ne suffit pas à licencier

Le motif grave suppose une faute que l’on ne peut tolérer. Ici, la haute juridiction rappelle qu’un employeur doit vérifier les qualifications vécues et déclarées. Il ne peut transformer sa négligence en grief décisif. Le contrôle initial, les relances, puis la traçabilité comptent autant que le temps passé.

Selon Me Henri Guyot, cabinet aerige, la vigilance pèse d’abord sur l’employeur. Le rachat d’une officine brouille souvent la chaîne des vérifications. Chacun croit que le précédent titulaire a bouclé les contrôles. Pourtant, la gestion des dossiers reste une obligation, surtout quand une absence de diplôme est soupçonnée.

Cette lecture ne nie pas la loyauté attendue. Elle fixe simplement la charge première de la preuve et du suivi. Dans un poste réglementé, il faut vérifier les pièces, archiver, et mettre à jour, au bon rythme. Sinon, l’irrégularité devient structurelle, et la faute grave se discute légitimement.

Enseignements pour les employeurs dans une profession réglementée

Le premier réflexe utile tient à la documentation. Un registre centralise diplômes, agréments, mises à jour, et réponses aux contrôles, au bon format. On note la date, le signataire, et la source du document. Cette rigueur simple réduit les contestations et protège l’équipe lors des visites de l’ARS.

Deuxième garde-fou, l’audit interne après un rachat. On vérifie chaque dossier, on relance par écrit, et on classe les pièces, sans tarder. Le titulaire organise une session d’accueil documentaire, avec modèles standard, et numérise. Ce passage évite l’angle mort qui nourrit, parfois, une absence de diplôme ignorée.

Troisième réflexe, la culture de la preuve partagée. Chaque salarié accède aux consignes claires et aux modèles à jour, pour répondre vite et bien. Le manager trace les demandes et les retours, sans agressivité. Cette transparence entretient la confiance, puis décourage les malentendus qui finissent au tribunal.

Ce que cette affaire rappelle à tous sur les vérifications

La décision de 2025 ne clôt pas le dossier, renvoyé pour un nouvel examen. Elle fixe pourtant une boussole : vérifier, tracer, et assumer ses contrôles. Dans une officine, la sécurité des patients s’appuie sur des pièces à jour. Quand une absence de diplôme surgit, la négligence ne devient pas une stratégie de défense. La suite appartiendra à la cour d’appel, avec les faits bien pesés.

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